Né le 12 juin 1913 à Casablanca, Maurice Ohana a fait presque toutes ses études musicales en France, tout en poursuivant ses études classiques. Il s’orienta quelque temps vers l’architecture qu’il abandonna pour se consacrer entièrement à la musique.
Très jeune, il débute comme pianiste au Pays Basque où sa famille est fixée ; sa carrière reste prometteuse jusqu’à la guerre qui va l’entraîner loin du monde musical, mais aussi l’y ramener, à Rome où il est l’élève et l’ami d’Alfredo Casella à l’Académie Sainte-Cécile.
Sitôt démobilisé, il se fixe à nouveau à Paris en 1946. C’est à cette époque que ses premières œuvres sont connues en France. Il fonde, avec trois amis, le «Groupe Zodiaque», qui se propose de défendre la liberté d’expression contre les esthétiques dictatoriales alors en vogue. Et jusqu’à ce jour, il continue à faire sien le manifeste de ses combats de jeunesse.
Des constantes profondes apparaissent dans son œuvre. Du Llanto por Ignacio Sanchez Mejias (1950) aux œuvres récentes, l’évolution tend vers une rigueur curieusement associée à une grande liberté d’allure, tant dans l’écriture que dans les rapports avec l’interprète. Résolument à l’écart des mouvements dodécaphoniques ou sériels, Maurice Ohana n’en a pas moins poursuivi une révolution dans l’élargissement des méthodes et l’exploration du son ainsi que des formes qui en résultent.
Fidèle à ses origines andalouses, tout en élargissant leur essence musicale à des dimensions universelles, Maurice Ohana a progressé vers une synthèse où l’on retrouve les recherches et les préoccupations de la musique actuelle. Tout d’abord en ce qui concerne la gamme qu’il libère du carcan diatonique, du rythme qu’il tend à affranchir de la barre de mesure, et des techniques vocales qu’il ramène vers leurs vertus originelles, hors de l’emprise du bel canto.
Pianiste dès son enfance, il a conservé une prédilection pour cet instrument, mais a aussi contribué à enrichir divers domaines instrumentaux, notamment la percussion, par des ouvrages comme le Silenciaire, les Quatre Études devenues un classique, des pièces pour la nouvelle guitare à dix cordes, ou des œuvres vocales telles que L’Office des Oracles pour trois groupes vocaux et instrumentaux, Cris pour douze voix ou Sibylle, pour voix, percussions et bande, qui révèlent un tempérament résolument novateur dans tous les domaines sonores.
À partir de 1976, une série ininterrompue d’œuvres de grande envergure telles que L’Anneau du Tamarit pour violoncelle et orchestre, La Messe, Les Trois Contes de l’Honorable Fleur, opéra de chambre, Le Livre des Prodiges, pour grand orchestre, Les Douze études pour piano, etc… conduisent à cette somme qu’est l’opéra La Célestine créé le 13 juin 1988 au Palais Garnier avec le succès que l’on sait.
D’autres ouvrages pour chœur et aussi pour orchestre suivront, comme le concerto pour violoncelle et orchestre créé par M. Rostropovitch et S. Osawa, affirmant une vitalité exceptionnelle qui ne semblait pas devoir tarir. Le dernier né, Avoaha, pour chœur, deux pianos et trois percussions, en témoigne.
Maurice Ohana n’a jamais pratiqué l’enseignement et n’a pas d’élève ; on peut toutefois le situer au centre d’un groupe de jeunes compositeurs venus d’horizons divers dont il suit de longue date les travaux et dont l’orientation, en affinité avec la sienne propre, constitue une confirmation de la validité de ses options originelles. On peut citer parmi eux Félix Ibarrondo, Ton-That Tiêt, Edith Canat de Chizy, Francis Bayer, André Bon, Guy Reibel et Nicolas Zourabichvili de Pelken.
Maurice Ohana a reçu le Prix Italia en 1969, le Prix national de Musique en 1975, le Prix Honegger en 1982, le Prix musical de la Ville de Paris en 1983, et, en 1985, le Prix Maurice Ravel. En 1991, il fut lauréat du Grand Prix de Musique Guerlain de l’Académie des Beaux-Arts. En 1992, il reçut le Prix de la SACEM pour la meilleure première exécution 1991.
Il était depuis 1990 Président de l’Académie internationale Maurice Ravel à St-Jean de-Luz. Il était Chevalier de la Légion d’Honneur et Commandeur des Arts et Lettres.
Maurice Ohana est décédé le 13 novembre 1992 à son domicile parisien.
Si la musique de Maurice Ohana exerce un rayonnement croissant, c’est peut-être parce qu’elle est habitée par un sens subtil du sacré. Et peut-être aussi parce qu’elle sait aller aux sources primitives des musiques traditionnelles, orales et populaires, comme aux sources des musiques savantes et écrites.
En ce sens, avec Claude Debussy, Manuel de Falla, Béla Bartók et Olivier Messiaen, Maurice Ohana aura été dans le siècle un ouvreur de pistes singulièrement clairvoyant, puisant entre autres dans les musiques africaines ou caraïbes, le cante jondo ou le jazz, une inspiration pour son propre univers. La voix et la percussion, que Maurice Ohana reconnaît comme fondements du langage musical de l’homme, sont les clés de la musique. Son œuvre dépasse les frontières des genres musicaux, de la voix a capella aux chœurs multiples, de l’instrument soliste à l’orchestre, traité dans une configuration souvent inédite.
Du Llanto por Ignacio Sanchez Mejias (1950) à l’opéra La Célestine (1988) et à Avoaha (1992), cette œuvre est transversale à toutes les limites géographiques et esthétiques.
Par la rigueur de son dessein, par la recherche d’un sacré sans références et par l’abolition de toute hiérarchie musicale entre le savant et le populaire, la musique de Maurice Ohana rencontrera un écho de plus en plus profond chez nos contemporains.
“Les grandes leçons de musique, ce ne sont pas les musiciens qui me les ont données. Je les ai reçues concrètement de la mer, du vent, de la pluie sur les arbres et de la lumière, ou encore de la contemplation de certains paysages que je recherche parce qu’ils ont l’air d’appartenir plus à la création du monde qu’à nos contrées civilisées.”
Maurice Ohana
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